"On voyage autour du monde à la recherche de quelque chose et on rentre chez soi pour le trouver." George Moore


Voici déjà un an et demi que je parcours les routes du monde, découvrant les îles Antillaises, puis l'Amérique du Sud.

Mon rêve était de faire le tour de la Terre, partir vers l'Ouest en voilier, revenir par l'Est à pied. J'avais pensé à 2 ans, puis assez vite plutôt estimé 4 ans. Mon frère m'a dit récemment qu'au rythme où j'avancais (environ cinq pays par an), je rentrerai dans 60 ans !

Bon, j'avais tout de même déjà réalisé que de la façon dont je voyage, j'en aurais pour beaucoup plus longtemps que prévu... Et comme je n'ai pas envie de voyager 60 ans d'un coup, je pense rentrer vers la fin de l'année. J'ai envie de revoir Macao (oui, mon chat me manque plus que quiconque), la famille, les amis, de manger du vrai fromage, du pain croustillant à l'extérieur et moelleux à l'intérieur, encore chauds sortants du four, des croissants au beurre, une raclette et de bretonnes galettes.


En presque deux ans, j'ai vécu et appris plus que ce que j'aurais pu oser rêver. J'ai rencontré des tas de gens fascinants et vécu selon plein de cultures différentes.

J'ai navigué des voiliers, observé des dauphins en liberté, nagé avec des tortues de mer, dansé sur des îles désertes et peuplées, et goûté les vrais fruits tropicaux.

J'ai grimpé des sommets en haute altitude, marché dans des déserts et dans la jungle amazonienne.

J'ai appris l'espagnol, perfectionné mon anglais et même amélioré ma cuisine en aidant des projets pour la nature, les animaux, les humains.

J'ai vu beaucoup trop de déchets jonchants les rues, les bords des routes et les sentiers, et j'ai croisé bien des inconscients dans des peuples encore loin de nos développements occidentaux. J'ai aussi croisé quelques très conscients aux projets plus qu'importants pour notre planète.

J'ai vu des paysages à couper le souffle, et je me suis sentie de nombreuses fois toute petite devant l'immensité du monde et son étourdissante beauté.


J'ai parcouru des kilomètres à pied, en bus, en auto-stop et en voilier. Mais j'ai surtout parcouru des kilomètres en moi-même. Le voyage pour découvrir le monde, n'est qu'un prétexte pour se découvrir soi-même. Inconsciemment, ou même consciemment d'ailleurs, le voyage est avant tout intérieur.


Et en même temps, quoi de pire que de voyager pour essayer de se connaître ?


Il est vrai que l'on se retrouve confronté à plein de situations nouvelles, et qu'ainsi nous apprenons quelles sont nos réactions face à ces situations, désormais connues. On peut alors supposer que l'on se connaît davantage.

Mais, une situation peut-elle réellement être connue ? Chaque expérience n'est-elle pas toujours nouvelle, unique, même si familière ? Et si tout est en évolution permanente, une situation vécue d'une certaine manière tel jour, pourra être vécue bien différemment un autre jour.


"J'ose me risquer à affirmer que les hommes ne sont rien d'autre qu'un faisceau ou une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes les autres avec une inconcevable rapidité, et qui sont dans un perpétuel flux et mouvement." a écrit David Hume à propos du Moi. Un Moi dont il est déjà possible de douter de l'existence. Mais c'est un autre sujet...


Alors n'est-ce pas justement au cours d'un voyage, lors de l'apprentissage de tant de choses, et de l'exploration de tant d'inconnu, que l'on évolue le plus ? Et, en évoluant autant, cela ne devient-il pas encore plus difficile de se connaître, car nous voilà tout bonnement inédit ?


Voyager pour se connaître davantage, ou voyager pour mieux se perdre dans la complexité de nos cerveaux et coeurs humains...?


Finalement, celui qui passe sa vie au même endroit, avec les mêmes amis, les mêmes envies, les mêmes habitudes et les mêmes commerçants à qui dire bonjour tous les matins et merci au revoir tous les soirs, c'est peut-être bien lui qui se connaît le mieux. C'est peut-être même lui le plus heureux, et ainsi le plus sage...


Faut-il vraiment chercher à se connaître ? Est-ce une quête vaine ? Pouvons-nous un jour répondre à la question "qui suis-je" ? Et pourquoi faudrait-il y répondre d'ailleurs ?


Je vous épargne davantage de questions et possibles dissertations et vous laisse avec quelques citations.


"La connaissance de soi est le commencement de la sagesse ; sans connaissance de soi, il n'y a pas de bonheur." Krishnamurti


"Croire ou ne pas croire, cela n'a aucune importance. Ce qui est intéressant c'est de se poser de plus en plus de questions." Bernard Werber


"Le véritable lieu de naissance est celui où l'on a porté pour la première fois un coup d'oeil intelligent sur soi-même." Marguerite Yourcenar


"Je tiens la connaissance de soi comme une source de soucis, d'inquiétudes et de tourments. Je me suis fréquenté le moins possible." Anatole France


"Partir vers l'autre, c'est revenir vers soi." Laura Lange


"Je réponds ordinairement à ceux qui me demande raison de mes voyages, que je sais bien ce que je fuis et non pas ce que je cherche." Montaigne